L’écurie active se développe aujourd’hui de façon sérieuse en France. Comme elle a fait beaucoup parler, il est temps de refaire un petit point sur les fondamentaux de ce mode d’hébergement des chevaux de façon claire. Après avoir répété les bases de l’éthologie du cheval (étude de son comportement), nous décrierons comment l’écurie active répond efficacement aux besoins du cheval avant d’expliquer en quoi aucune concession n’est faite sur la praticité et les aménagements qui permettent d’entretenir et de gérer une telle écurie de façon moins pénible, moins chronophage et plus efficace pour se consacrer davantage aux chevaux.
Comme pour toutes les espèces, l’éthologie du cheval passe par une analyse des activités dans le temps et par une qualification de ces activités. Il en ressort entre autres le budget temps. Chez le cheval, il ressemble à cela :
La grégarité est un facteur primordial de bien-être chez le cheval. À l’état naturel, un cheval isolé est un cheval en danger de mort, car il ne peut pas compter sur le groupe pour le défendre des prédateurs, il ne peut pas non plus se reposer ou se coucher, car il serait alors dans un état de vulnérabilité important. C’est pourquoi les chevaux vivent tous en groupe, que ce soient les juments et leur descendance qui vivent dans le harem d’un étalon ou des talons au sein de groupes de mâles célibataires. Les très rares étalons qui vivent seuls sont des individus vieux et fatigués par les combats. Ils sont en général au crépuscule de leur existence. On comprend donc aisément que l’isolement social dans lequel les chevaux domestiques peuvent être maintenus est une source de stress chronique. La base de l’écurie active est donc de retrouver ce mode de vie en groupe. Le propriétaire de l’écurie peut choisir s’il souhaite héberger tout le monde ensemble ou créer plusieurs groupes en fonction de certains critères. Cela peut être un critère de sexe (séparer les juments de hongres), d’âge (séparer les très vieux des autres chevaux) ou tout autre critère. Le principal pour que le calme règne dans l’écurie est que la composition du groupe reste aussi stable que possible. L’écurie active n’est donc pas le bon mode d’hébergement pour une écurie de passage ou une écurie de commerce. Pour toutes les autres activités, il est indispensable de se poser la question.
L’alimentation est le 1er poste du budget temps du cheval, il y consacre 65 % de sa vie ; il passe beaucoup plus de temps à manger qu’à dormir ou qu’à toute autre activité. Le mode de distribution de l’alimentation en 2 ou 3 repas quotidiens calqués sur l’homme n’a donc pas de sens pour le cheval. Il pose même un certain nombre de problèmes et est à l’origine de deux types de pathologies :
Le cheval est pourvu d’un petit estomac qu’il remplit e permanence. Les scientifiques ont montré qu’au bout d’une heure passée l’estomac vide, le cheval ressent une gêne. Au bout de 3 heures, ce sont de véritables douleurs. Ce phénomène est, avec le stress, à l’origine du développement des ulcères gastriques qui sont une pathologie extrêmement fréquente chez les chevaux hébergés au box. Certains les tolèrent, d’autres moins. L’autre pathologie digestive majeure chez le cheval, ce sont les coliques. Leur prévalence augmente avec la part de concentrés dans la ration. C’est malheureusement ce que l’on a tendance à faire pour des raisons pratiques et de main d’œuvre dans les écuries en box. Dans l’écurie active, le fourrage est la base de l’alimentation. Il est distribué soit dans des automates qui régulent la consommation de foin, soit dans des râteliers a foin qui permettent une alimentation à volonté.
Lorsque le cheval ne peut pas exprimer son comportement alimentaire « normal », cela génère un stress. Pour évacuer ce stress, le cheval développe des comportements stéréotypies autrement appelés tics (tic à l’air, tic à l’appui, tic à l’ours, arpentage, etc.).
L’agencement de l’écurie active a pour objectif de permettre le bien-être de tous les chevaux du groupe et de leur permettre d’exprimer l’ensemble de leurs comportements naturels même sur un espace relativement restreint si le contexte l’oblige. Le principe de base de l’agencement d’une écurie active est : « Séparer les points d’intérêt » Cela signifie que les points suivants :
Seront tous séparés les uns des autres de façon à ce que les chevaux doivent se déplacer toute la journée… c’est ce qui rend l’écurie … active. Le travers dans lequel il faut absolument éviter de tomber en agençant l’écurie active est de rendre la circulation complexe pour les chevaux. Le cheval est un animal adapté aux espaces ouverts et qui se déplace « en ligne droite » pour se rendre d’un point A à un point B. Les scientifiques ont montré que contrairement au chien, il est quasiment impossible pour un cheval de résoudre des problèmes de type labyrinthe ou contournement. On réalise toujours des plans simples avec des espaces très ouverts. Il a été observé que dans les écuries actives agencées avec plusieurs zones de fourrage séparées les unes des autres par des portails à pousser, les chevaux se déplacent moins.
L’agencement de l’écurie active est élaboré de façon à mécaniser et automatiser au maximum les taches d’entretien chronophages. Il s’agit principalement du curage des fumiers et de la distribution de l’alimentation.
La fonctionnalité de l’aménagement ne s’arrête pas à la distribution de l’alimentation, elle doit également permettre à l’éleveur ou aux propriétaires de se déplacer rapidement dans l’écurie en passant par des passages d’homme entre les différents espaces. De cette façon, ils ne manipulent pas de barrière… et ne risquent pas d’oublier de les fermer.
De même, l’emplacement de la fumière et des différents postes de distribution du fourrage permettent de gagner du temps lors des manutentions.
Le sol est un point clé à plus d’un titre dans l’écurie active. S’il permet la stabilisation et le curage mécanisé des zones les plus fréquentées, il est également le moyen de garder des chevaux (et des cavaliers) avec les pieds au sec, quelles que soient les conditions météo. De cette façon, les chevaux sont préservés des pathologies dues à la boue ou favorisées par l’humidité du sol : gale de boue, entorses et abcès de pieds.
Enfin, et c’est surement le point le plus important, le cœur de l’écurie active, c’est inévitablement l’humain. Loin d’être une écurie automatique, c’est d’abord une écurie autour d’une personnalité qui a décidé de redonner au cheval un environnement qui lui correspond. Le propriétaire d’une écurie active passe beaucoup moins de temps à curer ou à distribuer des rations. Cependant, il doit assurer une surveillance plus fine et développer sa capacité d’observation pour d’une part comprendre avec finesse comment s’articulent les relations sociales au sein du troupeau et d’autre part intervenir sur les réglages des automates et le rationnement de chaque individu.
La leçon que comprend rapidement le propriétaire d’une écurie active, c’est que ce ne sont pas tant les relations de dominance qui régulent la vie du troupeau, mais bien les relations d’affinité, car le cheval dans un environnement naturel ne fonctionne pas seul, mais bien en petits groupes. Gérer l’écurie active, c’est à la fois gérer les individus, mais aussi gérer les groupes avec leurs affinités et les compromis que cela nécessite. C’est la voie de l’observation et du bien-être.