Faut-il mélanger ou séparer juments et hongres
Le point qui fait tiquer les propriétaires pour le passage ou pas à l’écurie active, c’est la conduite des chevaux en groupe. En effet, la peur des blessures générées par des interactions violentes est légitime car les chevaux peuvent être violents. Nous avons tous en tête l’image de poster des deux étalons cabrés face à face toutes dents dehors. Cependant, le cheval est un animal naturellement grégaire et il faut bien avouer que la situation la plus souvent constatée lorsqu’on observe un troupeau est nettement plus paisible. Le concept de l’écurie active supprime tous les objets de discorde. Le seul pouvant rester demeure le sujet social. Après avoir rappelé l’organisation sociale des chevaux à l’état naturel, voyons comment certaines écuries répondent à cette question en créant deux groupes séparés et comment d’autres gèrent cette question avec un seul groupe mixte.
Rappel sur l’organisation sociale des chevaux
A l’état naturel, les chevaux s’organisent socialement sous la forme de «groupes familiaux» composés d’un étalon (parfois 2 mais c’est peu observé) et de quelques juments (rarement plus de 4) ainsi que leur descendance âgée de moins de 3 ans. Vers 3 ans, les juvéniles dispersent. C’est le terme qu’emploient les éthologues pour décrire la phase où l’individu quitte son groupe natal pour rejoindre un autre groupe.
Pour les jeunes mâles, c’est le moment de rejoindre un groupe de mâles célibataires au sein duquel il développera ses compétences sociales et comportementales au cours de séquence de «jeux», rituels autour des crottins, conduites (herding) etc. puis, généralement à partir de l’âge de 6 ans, il viendra contester la place d’un étalon chef de famille pour pouvoir accéder aux juments et se reproduire.
Pour les jeunes femelles, la dispersion se fait soit vers un autre groupe familial, soit vers un mâle célibataire bien heureux de «récupérer» une femelle sans avoir à combattre. La situation est en général passagère car cette jeune jument ne manque en général pas d’attirer les convoitises de ses rivaux.
Bien évidemment, il faut visualiser cette organisation comme un état changeant en permanence au gré des saisons, du contexte, de la forme des étalons, etc.
Il en résulte qu’en dehors de quelques vieux étalons fatigués qui optent pour la solitude, tous les chevaux vivent en groupe. Les femelles quittent rarement le groupe dans lequel elles s’intègrent après la dispersion. Elles y tissent des liens forts et stables alors que les mâles sont amenés à changer plusieurs fois de groupe social au cours de leur vie.
Enfin, profitons de ce point «éthologie» pour tordre le cou aux deux grands mythes sur les chevaux sauvages qui ont été démontés par les études scientifiques : la vieille jument ne guide pas systématiquement le troupeau et l’étalon n’est pas forcément dominant sur les autres individus du groupe familial. Les choses sont comme toujours plus subtiles et souvent amenées à changer.
Ceci étant dit, penchons-nous maintenant sur le cas des chevaux domestiques et de l’écurie active
Pas de frustration: pas de conflit
Un des principes qui génèrent du calme dans l’écurie active, est le fait que les chevaux ne se sentent pas frustrés.
https://creativem.co.uk/ecurieactive/articles/organiser-le-calme/
Ils ont donc très peu de raisons de se chamailler. La seule qui pourrait demeurer est celle des relations sociales liées à l’activité sexuelle des chevaux. Si les mâles sont – sauf cas exceptionnel ou activité particulière – castrés dans une écurie active ; les femelles gardent leurs cycles de chaleurs et les comportements qui les accompagnent. Il faut se rendre à l’évidence. Si la castration a un effet important sur la production d’hormones et donc sur le comportement, elle ne retire pas entièrement les comportements sexuels des hongres. Certains peuvent donc continuer à regrouper leur harem, à tenter d’écarter « leurs » juments des autres hongres voir même à saillir les juments lorsque celles-ci sont en œstrus et acceptent le chevauchement voire même le sollicitent. Ces comportements sont peu fréquents mais n’ont rien d’exceptionnels dans les écuries actives où les sexes sont mélangés. C’est pourquoi, certaines écuries choisissent de s’organiser avec un groupe de mâles et un groupe de femelles.
Choix 1: Séparer hongres et juments
Ce choix est en général plus facile pour la clientèle qui y voit une façon de gérer le risque de conflit entre hongres ou d’incident lors d’une saillie (aussi bien pour le hongre que pour la jument). C’est une façon de gérer cette problématique qui offre une certaine flexibilité. En effet, on observe souvent que les gérants introduisent quelques hongres «privilégiés» au milieu des juments et récréent ainsi l’organisation sociale équine type: groupes familiaux d’un côté, mâles célibataires de l’autre. Cette méthode permet en général d’avoir un groupe de femelles plus calme et ces écuries choisissent général ces hongres pour leur tempérament calme et posé.
Cet agencement est évidemment à prévoir lors de la conception de l’écurie. Il a l’avantage de donner un peu de flexibilité dans la composition des groupes. L’inconvénient est qu’il génère un léger surcout d’investissement puisqu’un automate ne peut être mutualisé entre deux groupes. Il faudra donc autant de DAC et de portes sélectives (le cas échéant) qu’il y a de groupes.
Choix 2: Un seul groupe
Le choix d’un seul groupe est également très fréquent. Pauline Leroy (Ecurie Lo Vardiafs) héberge en un seul groupe une grosse vingtaine de chevaux. Elle explique utiliser la porte sélective pour gérer les chevaux très dominants ou très dominés de manière à ce que la zone de foin en libre-service soit un endroit paisible. De la même façon, on peut utiliser les paramètres de la porte sélective pour interdire certaines zones à un cheval dont le comportement agité pourrait déranger certains autres individus.
Pascal Frotiee (Les écuries de Lisors) héberge chevaux en un seul groupe. Il ne se mêle pas de la vie amoureuse de ses pensionnaires qu’il observe avec attention et tendresse. Il estime que la vie sexuelle – ou ce qu’il en reste – fait partie intégrante de leur comportement naturel et qu’elle contribue à créer les liens dans le troupeau. L’expression de cette part de leur comportement contribue au bien-être et à l’équilibre émotionnel des chevaux. Il n’a jamais constaté de blessure liée à ces comportements car le groupe de chevaux est stable et les individus se connaissent bien.
D’autres raisons de créer plusieurs groupes
La séparation des hongres et des juments n’est pas la seule raison pour laquelle une écurie active peut s’organiser avec plusieurs groupes. Certaines écuries spécialisées dans la retraite choisissent de séparer les groupes de façon à créer un groupe avec les plus vieux individus moins alertes pour leur fournir le calme qu’ils apprécient au regard de leur grand âge. De la sorte, ils prennent leur temps pour manger, se reposer et profiter de leurs vieux jours tout en conservant des voisins dynamiques mais de l’autre côté de la clôture.
Quoi qu’il en soit, la possibilité de faire deux groupes distincts donne une flexibilité qui pourra être utile pour beaucoup d’activités: élevage, production laitière, poney club etc. Rien n’oblige non plus à créer deux groupes équivalents. On peut très bien ponctuellement isoler un peu un ou des chevaux en cas de besoin si la structure dispose de paddocks attenants à l’écurie active par exemple pour un poulinage, un sevrage progressif etc..
En résumé, faut-il séparer ou pas hongres et les juments en écurie active? Il n’y a pas de bonne réponse. La question se pose en réalité à chaque projet et la réponse est liée au site, à l’activité ou aux activités développées, à la clientèle visée, à l’expérience du responsable d’écurie, à l’envie et la sensibilité des porteurs du projets. Elle bénéficie d’un espace de créativité infini et en perpétuelle évolution car le concept d’écurie active permet une très grande flexibilité d’aménagement. La réflexion qui accompagne l’aménagement de l’écurie active est à ce titre fondamentale. C’est de l’échange entre le porteur de projet et le conseiller en aménagement que va naitre la réponse. L’évolution des connaissances scientifiques ajoutée au déploiement croissant de l’aventure de l’écurie active sont des facteurs d’amélioration permanente, les agencements sont de plus en plus finement conçus, de plus en plus en phase avec les spécificités et les besoins liés au comportement équin afin de toujours optimiser le bien-être des chevaux.
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