Manger en mouvement, en continu et en petites quantités…
Les ulcères gastriques et les coliques arrivent encore trop souvent. Pour éviter ces problèmes, je propose de considérer le fonctionnement du système digestif d’un cheval.
Le cheval est un herbivore. À la différence d’autres herbivores (ruminants), il a un seul estomac. Son tube digestif est adapté à son mode naturel d’alimentation : en mouvement, en continu et en petits quantités.
Dans la première partie de tube digestif, l’estomac et l’intestin grêle, la digestion se fait avec des enzymes. Ici, les sucres, amidons et les protéines de la ration sont transformés en nutriments utiles pour le cheval. L’estomac est petit (8 à 15 litres) et son contenu très acide: l’acidité est essentielle pour le bon fonctionnementdes enzymes de la digestion. Dans la deuxième partie du tube digestif où se trouvent le caecum et le colon, c’est différent ! Ici, plus d’enzymes, mais des bactéries qui font le travail. Le caecum et le colon hébergent de multiples espèces de bactéries qui utilisent la ration du cheval pour leur survie: en contrepartie, ils produisent des nutriments essentiels pour le cheval qu’il est incapable de produire lui-même [1].
Manger
… en mouvement …
De multiples études démontrent que des chevaux en box sont plus sujets aux coliques que des chevaux qui ont accès au paddock ou champs [2]. La digestion et le comportement alimentaire des chevaux en box sont différents de ceux des chevaux en liberté. On a mesuré par exemple que des juments placées en box ne mangent plus que 15% de leur temps, comparé à 55% de leur temps lorsqu’elles étaient à la pâture [3]. Les chevaux au box consomment beaucoup plus d’eau: jusqu’à 31,8 litres par jour comparé à 12 litres pour un cheval en liberté [4]. Malgré la consommation d’eau plus importante, les crottins d’un cheval en box sont plus secs. Ils ne contiennent que 6,6 litres d’eau (par jour) comparés aux 18,8 litres d’eau (par jour) pour un cheval en liberté. De plus, la production de crottins est plus faible pour un cheval en box (9 kg) que pour un cheval en liberté (23,1 kg). On peut conclure qu’un cheval en box a un fonctionnement du système digestif différent de celui d’un cheval en liberté. Des scientifiques suggèrent un lien direct avec le niveau d’activité. Les chevaux au paddock marchent plus: ils couvrent entre 4,7 et 7,2 km par jour alors que les chevaux au box qui sont travaillés intensivement pendant 40 minutes ne marchent que 1 – 2,4 km par jour [5].
… en continu …
L’environnement acide de l’estomac est entretenu par la sécrétion de l’acide chlorhydrique. Plusieurs facteurs influencent le niveau de sécrétion: Des repas riches en amidon, mais aussi le travail intensif et la vie isolée de leurs congénères augment la production d’acide chlorhydrique [6]. Le mécanisme qui contrebalance le «trop» d’acidité est la production de salive par le cheval. La salive a une action tampon forte contre l’acidité et protège donc les parois de l’estomac. Le cheval produit de l’acide chlorhydrique en permanence, contrairement à l’homme qui le produit principalement pendant les repas [7, 8]. Il est donc essentiel que la production de salive soit aussi continue que possible. Cela nécessite un fractionnement des repas. Des études démontrent que dès que l’intervalle entre repas dépasse 6 heures, les risques pour les ulcères gastriques augmentent [9].
…en petites quantités…
Le caecum et le colon hébergent de multiples espèces de bactéries qui produisent des nutriments essentiels pour le cheval. L’entrée dans le caecum et colon d’amidon ou de sucres, non digérés par les enzymes dans l’estomac et l’intestin grêle, détruit ces bactéries [10, 11]. Cette destruction entraîne une production des toxines qui peuvent provoquer des cas de coliques, mais aussi certains types de fourbures. Nombreuses sont les études qui traitent de la relation entre les types d’aliments et la taille des repas sur la flore bactérienne du caecum et du colon. Aujourd’hui, on sait que l’apport des repas riches en amidon et sucres (à partir de 2 kg de concentré par repas), mais aussi par exemple l’ingestion de l’herbe en quantités non contrôlées affecte la flore bactérienne du caecum et du colon.
On peut conclure que les conditions de vie d’un cheval de sport sont parfois incompatibles avec les besoins du cheval d’ingérer en mouvement, en permanence et en petit quantités. Mais des solutions existent! À chacun d’analyser la situation pour son cheval ou son écurie avec le fonctionnement naturel du système digestif – en mouvement, en continu et en petits quantités – comme objectif. Pour nos chevaux, nous avons choisi les solutions suivantes.
… en mouvement…
Nos chevaux ont à leur disposition un circuit de 600 m des chemins en sablé lavé (0/1) stabilisé. Le sable est posé sur une couche de tout venant (0-20, 5 cm) couvert par une couche de sable concassant (0/4, 5 cm). L’interface entre la couche de fondation et la couche de travail est gérée par des dalles de stabilisation qui préviennent, pour ces zones plus sollicitées, le phénomène de remontées de cailloux. L’ensemble fait qu’il n’a pas d’eau qui stagne sur les chemins: les chevaux sont toujours propres et ont toujours leurs pieds au sec. Des abris et un filet d’ombrage protègent les chevaux contre les intempéries et la chaleur. Les chemins font 8 m de large et sont bordés à chaque côté par une zone d’herbe de 1m50. Les chemins encadrent 3 paddocks de 4000 m² chacun auxquels ils ont un accès limité. L’abreuvement et l’alimentation se trouvent à des endroits différents ce qui oblige les chevaux à se déplacer.
… en permanence …
Comme aliment de base, nous achetons dès la récolte un seul lot de foin d’excellente qualité en quantité suffisante pour couvrir les besoins de nos chevaux pendant toute l’année. Ce foin est disponible à volonté dans les grands râteliers couverts par un filet de foin «petites mailles renforcées» (cordon 6 mm, maille 4,5 x 4,5 cm). Les chevaux peuvent donc manger en permanence du fourrage: du foin dans les râteliers, de l’herbe à côté des chemins du parcours et enfin dans les paddocks, les jours où ils y ont accès.
… en petites quantités …
En supplément des fourrages, les chevaux ont des concentrés et des minéraux, distribués par un automate (DAC) qui distribue une ration personnalisée pour chaque cheval. La ration quotidienne de concentré est fractionnée en plusieurs portions pour chaque cheval. Ainsi leur ration peut être divisée jusqu’à plus de 10 repas quotidiens. Nous avons choisi de distribuer une quantité maximale de 1 kg par portion.
Les études scientifiques démontrent que les conditions de vie actuelles de nos chevaux de sport affectent le bon fonctionnement de leur digestion. Une réduction très significative des cas de coliques et d’ulcères gastriques peut être obtenue en respectant les exigences très particulières de système digestif monogastrique des chevaux … ils ont besoin de manger en mouvement, en continu et en petites quantités. Le concept de l’écurie active permet à chaque cheval d’adapter l’ingestion et la digestion à ses besoins personnels.
Et.. Ce n’est pas tout: découvrez prochainement les avantages de la vie en écurie active pour prévenir les problèmes pulmonaires.
References