Le jeu est-il un bon indicateur de bien-être ?
Le cheval qui joue est considéré souvent comme en état de bien-être, le cheval qui ne joue pas est-il pour autant triste? Ce que l’on imagine être du jeu en est-il vraiment? Le terme de jeu est employé très fréquemment lorsque l’on parle de bien-être, d’équitation éthologique ou de comportement. Après avoir fait un point éthologique sur l’avancée des connaissances en matière de jeu chez le cheval, nous verrons quels agencements on peut préconiser pour que les chevaux puissent jouer en sécurité. Enfin, nous ferons un point sur les indicateurs de bien être les plus fiables bien qu’ils soient moins spectaculaires que «le jeu».
Le comportement de jeu chez le cheval
De manière générale dans le monde animal, le comportement de jeu est une caractéristique du juvénile. Rares sont les espèces (mais l’homme en fait partie) qui conservent des comportements de jeu à l’âge adulte. Même si cela vient briser nos imaginaires d’enfant rêvant de jouer avec notre cheval, il faut se rendre à l’évidence scientifique, le cheval adulte n’est pas un joueur. De même que le jeu peut être une pathologie addictive chez l’homme, nombre d’éthologistes scientifiques considèrent que ça peut également être le cas chez le cheval. Avant de rentre dans une polémique, il faut d’abord définir ce qu’est le jeu.
Chez les juments, les jeux sont essentiellement des jeux locomoteurs qui disparaissent avec l’âge et que l’on n’observe plus que lorsqu’il fait froid et qu’elles ont besoin de se réchauffer en faisant un peu d’exercice.
Chez les mâles, les jeux ressemblent plus à des simulacres de combats et peuvent perdurer beaucoup plus tard. Ils ressemblent aux postures et comportements que les étalons expriment lors des combats, mais cette persistance pourrait également servir de lien social au sein des groupes de mâles célibataires. Chez le cheval domestique, le jeu persiste tard chez les mâles et les hongres avec une forte variabilité individuelle. Un cheval qui joue tout le temps est-il forcement «bien dans sa peau»? Pas certain… Il convient de commencer par vérifier que ses besoins fondamentaux sont bien satisfaits et qu’il a notamment la possibilité d’exprimer un comportement alimentaire normal avec un accès une alimentation à base de fibres 60 à 70 % du temps.
Enfin, on est en droit de se poser la question des jeux que l’on propose au cheval:
Les jouets dans son box l’intéressent-ils? Il suffit d’observer pour avoir la réponse. Les jeux que nous lui proposons lors des séances que nous passons avec lui l’intéressent-ils plus? Là aussi, l’observation au cas par cas permet seulement de donner une réponse. S’il recherche l’interaction, c’est qu’il y trouve aussi son compte dans le cas contraire, on peut se demander pourquoi: peut-être que le sujet proposé l’indiffère (les goûts et les couleurs…); peut-être aussi que la qualité de la relation est en cause… À chacun de faire son chemin.
Aménagement de l’espace et possibilité de jeu
Jeu ou simples interactions sociales, toujours est-il qu’il est bon d’aménager l’écurie active en prévoyant des espaces où les chevaux pourront galoper et se chamailler gentiment sans déranger les autres chevaux du groupe, en restant en sécurité et sans compromettre la sécurité des autres chevaux. Des espaces avec une certaine longueur en sol souple voire en terrain naturel doivent être imaginés hors des zones d’alimentation et à distance des espaces de repos. Classiquement, on organise l’écurie active en différents pôles autour des points d’intérêt reliés entre eux par des «couloirs» ou pistes inspirées du paddock paradise, reliant ces pôles entre eux. Ces pistes sont des terrains de jeux idéaux s’ils présentent suffisamment de largeur pour permettre aux chevaux d’évoluer avec suffisamment d’espace et notamment de s’éviter avec confort et facilité. Contrairement à ce qui est souvent pratiqué en paddock paradise, on aménagera dans les écuries actives des couloirs de 8 à 10 m de large, partiellement ou intégralement stabilisés selon la nature du sol et la fréquentation (nombre de chevaux et place disponible dans l’écurie. Enfin, pour ménager des «cachettes» aux chevaux subordonnés, on aménagera des îlots paysagers pour qu’ils puissent se placer côté opposé aux dominants et ainsi rester dans un espace calme.
Les zones dites «de roulade» proposant un sol profond sont en général investies par le plus jeune et les plus joueurs pour devenir la «salle de jeux» de l’écurie active. C’est pourquoi, il vaut mieux ne pas l’implanter trop à proximité des zones de fourrage ou du DAC. De même, on ne l’installera pas trop près de l’abri pour que celui-ci reste un endroit calme, ce qui est sa raison d’être.
Quels sont les indicateurs de bien-être les plus fiables
Avec la multiplication des publications sur le comportement et le bien-être du cheval, on commence à disposer d’une liste d’indicateurs assez facilement identifiables et utilisables pour identifier des états de mal être chez le cheval: en dehors de pathologies et de souffrances qui relèvent du domaine de la médecine vétérinaire, on connaît bien:
- Les stéréotypies (tics)
- Les comportements anormaux de type automutilation, etc.
- L’agressivité envers l’homme
- Des postures caractéristiques comme la posture figée
- L’agitation et l’excès de locomotion active
Ce sont des observables dont certains sont assez spectaculaires. Pour ce qui est du bien-être, c’est plus compliqué d’identifier ces comportements et comme nous l’avons vu, les comportements de jeu ne sont pas forcément très identifiables et ne traduisent pas forcément du bien-être. Martine Hausberger, directrice de l’unité PEGASE de recherche en éthologie équine au CNRS et directrice du DU éthologie du cheval à l’université de Rennes nous invitent à observer deux paramètres :
- la position des oreilles: si le fait qu’elles soient tournées vers l’avant ne traduit pas un état de bien-être, les oreilles vers l’arrière traduisent généralement un état de mal être.
- Le niveau d’attention du cheval. Le cheval en état de mal être sera peu attentif à l’environnement alors que le cheval qui se sent bien sera curieux et attentif à son environnement dont l’homme est un paramètre.
C’est cet état d’attention calme qui semble faire le plus l’unanimité chez les scientifiques comme un observable fiable du bien-être chez le cheval. Rien de spectaculaire, mais il peut être bon de garder en mémoire l’image de chevaux en pâture qui lèvent le nez et vont calmement s’intéresser à vous quand vous vous approcherez.
Encore une fois, l’anthropomorphisme dont nous faisons preuve lorsque nous observons des chevaux qui jouent est un faux ami, en tout cas pour ce qui est de l’évaluation du bien-être des chevaux. Il convient donc de ne pas se contenter de ce type d’observation, mais d’aller plus en subtilité pour s’attacher à des signes moins spectaculaires, mais plus fiables pour effectuer cette évaluation. Cela n’empêche cependant en rien de s’extasier et d’apprécier à sa juste valeur le spectacle que nous offrent les chevaux lorsqu’ils ont leur ¼ d’heure de jeu en nous offrant des postures et des attitudes magnifiques.
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